La p'tite pastille - Les couleurs du ciel
Publié par astu 'sciences, le 15 janvier 2021 3k
La p'tite pastille, le podcast d'astusciences qui vous emmène sur nos évènements. Aujourd'hui, retrouvez le deuxième article de notre série La p'tite pastille en collaboration avec l'Onde Porteuse : "Couleur et température des astres". Pour ce nouvel épisode, astu'sciences revient sur Effervescence Céleste, l'atelier proposé lors de la Fête de la Science 2020 par Les Francas du Puy de Dôme. Erwan Thébault, chercheur au laboratoire Magmas & Volcans, nous en dit plus sur la couleur et la température des astres.
Le rapport entre la lumière et la température nous semble peu évident au quotidien. Nous savons d’expérience que le bleu d’une flamme est qualitativement plus chaud que sa périphérie orangée mais comment en déduire sa température précise, et que peut-on en déduire par rapport aux astres ?
Les astres appartiennent à la région du ciel. Ce sont des corps célestes inaccessibles à l’expérimentation et à la mesure directe. Certains corps célestes, comme les étoiles, émettent de la lumière et d’autres, comme les planètes, la réfléchisse en partie. Enfin, certains l’absorbent à l’instar des trous noirs. Parmi ces astres, seules les étoiles produisent de la lumière par combustion de gaz. Comment dès lors estimer quantitativement la température de surface d’une étoile à partir de sa lumière ?
Il convient de remonter au XVIIème siècle pour avoir une première définition physique des propriétés de la lumière. Avant cette époque, la lumière n’avait d’autre description que celle d’un phénomène physique produisant une sensation visuelle perceptible par l’œil humain. Isaac Newton démontrera en 1666 qu’elle était bien davantage. Il constata qu’un prisme de verre traversé par la lumière du soleil la décomposait en couleurs qu’il classa en sept qualités, du rouge au violet et ouvrit ainsi la voie à la notion de « spectre » de la lumière. Cette classification Newtonienne en sept couleurs est symbolique et il existe un nombre théoriquement infini de dégradés de couleurs. Cette expérience pionnière au laboratoire permit de poser un cadre théorique au phénomène des arcs-en-ciel comme étant la diffraction (la déviation des rayons lumineux) de la lumière solaire à travers les gouttes d’eau atmosphériques jouant le rôle d’autant de petits prismes de Newton. Surtout, l’on comprit dès lors que la lumière blanche était la superposition de couleurs qu’il était possible d’isoler et d’étudier individuellement.
Pour étudier le spectre lumineux des étoiles, il fallut d’abord améliorer le système rudimentaire de Newton en réseaux de prismes de plus en plus fins et attendre l’invention du procédé photographique.
Ces deux avancées techniques permirent de mesurer, d’archiver et de comparer les spectres stellaires. Nous devons ce premier catalogue à l’astronome italien Angelo Secchi qui proposa, en 1866, une classification des étoiles selon leur intensité et leur couleur dominante qu’il nomma « type spectral ». Il est alors apparu que les étoiles de couleur bleutée étaient statistiquement plus lumineuses que les étoiles à dominante rouge-orange. Cette constatation, a priori anecdotique, explique pourquoi le ciel nocturne nous semble majoritairement peuplé d’étoiles de couleur bleu clair, bien qu’il soit constellé d’étoiles de toutes les couleurs. Ce seul empirisme ne permit pourtant pas encore de relier ces observations à une quantité objective telle que la température des étoiles.
A la fin du XIXème et au début du XXème siècle, des physiciens et chimistes se sont intéressés à un objet théorique qualifié de « corps noir ».
Figure 1: Le spectre lumineux théorique d’un corps noir corps noir parfait (courbe grise en arrière-plan) s’ajuste au spectre lumineux du soleil observé depuis l’espace pour une température de surface d’environ 5578°K (courbe au premier plan).
Ce concept physique énigmatique a occupé une place centrale dans le développement de la physique moderne et s’enracine dans une problématique très concrète qui nous intéresse particulièrement : pourquoi un objet émet-il de la lumière lorsqu’on le chauffe et comment décrire quantitativement son rayonnement ? L’un des premiers à proposer un formalisme théorique reliant explicitement la couleur d’un corps noir à sa température fut l’allemand Wilhelm Wien en 1896. Néanmoins, en ne décrivant que le rapport entre la couleur dominante et la température, sa relation approximative conduisait à des contradictions avec d’autres lois physiques. En développant les fondements de la mécanique quantique, le physicien Max Planck proposa en 1900 sa « Loi de Planck » reliant de manière théorique la température d’une étoile avec cette fois-ci son spectre lumineux, c’est-à-dire avec toutes les couleurs qui composent sa lumière. Ainsi, grâce au catalogue d’Angelo Secchi, combiné à la théorie de Max Planck, les astronomes danois Ejnar Hertzsprung et Henry Russell proposèrent en 1910 un diagramme connu sous le nom de « Diagramme de Hertzsprung-Russell ». Cette figure synthétise habilement trois quantités fondamentales presque proportionnelles qui sont la luminosité, la couleur dominante et la température de plus de 80% des étoiles qui illuminent notre ciel. Ainsi, parmi les étoiles visibles, les étoiles bleues sont plus lumineuses et plus chaudes avec des températures pouvant atteindre 50000°C en surface quand les étoiles d’un rouge profond, moins lumineuses, atteignent environ 3000°C.
Figure 2 : Simplification du diagramme de Hertzsprung-Russell montrant la correspondance statistique entre la couleur, la taille, la luminosité et la température d’une étoile.
Bien sûr, l’histoire ne s’arrête pas là. Le « diagramme de Hertzsprung-Russell » s’enrichit depuis un siècle d’observations de plus en plus précises grâce à des instruments devenus merveilles de technologies. La découverte parfois fortuite d’autres types de lumières invisibles à l’œil humain : « moins rouge que le rouge visible » et « plus violette que le violet visible» par d’autres procédés que la mesure optique ont étendu notre connaissance du spectre de la lumière des rayons gamma aux ondes radio. Ces procédés nous ont fait découvrir d’autres étoiles dont la lumière invisible correspond à des gammes de températures extrêmes, certaines proche de 0°C, d’autres atteignant plus de 100 000°C. D’autres expériences en laboratoire ont montré, en parallèle, que les atomes et molécules chauffés produisaient leurs propres signatures lumineuses avec des spectres caractérisés par des couleurs dominantes ou manquantes (appelées aussi « raies d’absorption de la lumière ») souvent typiques de chaque élément chimique étudié. Ces observations expérimentales, couplées à des lois physiques, permettent aujourd’hui de relier le spectre lumineux des étoiles à leur masse, à leur vitesse d’éloignement, à leur composition chimique, ainsi qu’à l’état de leur avancement sur leur courbe de vie. C’est grâce à ce triptyque fait d’observations, d’expériences et de théories que l’étude des variations temporelles du spectre lumineux des étoiles ne cesse de devenir une source de connaissances et de découvertes astronomiques. L’analyse des variations très fines du spectre lumineux d’une étoile permet de détecter, et ceci depuis 1990 seulement, la présence éventuelle d’exoplanètes lors d’un transit - c’est-à-dire lors du passage d’une planète devant son étoile – et même d’en estimer parfois la composition atmosphérique !
Cet héritage que nous appelons « spectrométrie » nous restitue une voûte céleste multicolore peuplée d’étoiles jeunes, chaudes et étincelantes de bleu à l’instar de Sirius, l’étoile de notre ciel nocturne la plus lumineuse, ou plus anciennes et plus froides d’un rouge-orange automnal comme Bételgeuse, rare géante rouge visible à l’œil nu.
Étoile Sirius, crédits photo © Pexels
Lors d’une belle soirée, notre œil instruit peut, dès lors, comparer la couleur et l’éclat des étoiles pour en déduire leur âge, leur température relative et en imaginer leur histoire. Mais, le rêveur et poète pourra aussi arpenter les zones les plus sombres du ciel et ressentir l’étincelle d’étoiles plus froides dont la lumière visible peine à nous parvenir, ou encore le flamboiement de celles excessivement chaudes et invisibles à l’œil nu. Toutes pourtant nous contemplent.
Retrouvez la p’tite pastille, une pastille sonore accompagné d’un article pour en apprendre plus tous les mardis et les vendredis pendant un mois ! Les pastilles sonores ont été réalisées par l’onde porteuse : https://www.londeporteuse.fr/
Mardi, la p’tite pastille revient pour un échange effectué avec Marie Monier, maître de conférence au laboratoire de météorologie physique de l'Université Clermont Auvergne, qui viendra tout vous expliquer sur les processus atmosphériques en présence de nuages.