Ne pas interdire mais accompagner l’usage des écrans
Publié par Michel Naranjo, le 29 mars 2020 1.8k
Dans son ouvrage « La fabrique du crétin digital, les dangers des écrans pour nos enfants », l’auteur cite de très nombreuses références bibliographiques -1082 ! la plupart publiées dans des revues internationales. Michel Desmurget, Directeur de recherche à l'INSERM, poursuit ses travaux au Centre de neurosciences cognitives à Lyon, mais dans son ouvrage, il lui est souvent reproché d’user d’un ton trop corrosif ou accusateur qui fait fuir les parents. On peut toutefois y voir comme le signe d’un combat. Comme tout lanceur d’alerte, Desmurget provoque et fait se lever ses détracteurs bien qu’affirmant :
« Il est ici question ni d’imposer ni d’interdire. Il ne s’agit que d’informer. A chacun ensuite d’arbitrer en se demandant si les avantages éprouvés outrepassent (ou non) les périls encourus ».
Les nouvelles technologies peuvent réserver beaucoup de bonnes choses à nos enfants, à condition que l'usage des écrans soit adapté à chaque tranche d'âge, encadré par les parents et les enseignants puis autorégulé : c’est ce qui ressort d’un rapport de l’Académie des Sciences qui date de 2013 et rédigé par Jean François Bach, Olivier Houdé, Pierre Léna, et Serge Tisseron.
Ce rapport peut être téléchargé :
https://www.academie-sciences....
Quelques indications concernant les auteurs :
Jean-François Bach est professeur de médecine, biologiste et immunologiste français, secrétaire perpétuel honoraire de l'Académie des sciences :
« On voit trop souvent les aspects négatifs, les inquiétudes que les écrans suscitent, mais il existe aussi beaucoup d'aspects positifs ».
Olivier Houdé est professeur de psychologie du développement à l'université Paris Descartes :
« L'intelligence numérique pourrait être plus fluide, plus rapide et multitâche que la culture littéraire classique, plus lente mais plus profonde. Mais ces deux cultures ne sont pas incompatibles, et si nos enfants apprennent à jongler avec les deux, à les combiner, ils feront des merveilles dont les générations précédentes seraient incapables. Il faudrait une pédagogie adaptée à tous les âges, en fonction de la maturation du cerveau et du développement cognitif ».
Pierre Léna, Membre de l’Académie des Sciences est astrophysicien (on se souvient de sa brillante conférence : ‘Exoplanètes : les nouveaux mondes’ lors de l’inauguration de la Maison pour la Sciences en l’Auvergne).
Il est cofondateur de « La Main à la Pâte ». Cet organisme développe un projet thématique pour l’école primaire, permettant aux enseignants, enfants et parents d’explorer les raisons pour lesquelles les jeux vidéo, Internet et autres écrans sont si fascinants et captivants, tout en posant un regard scientifique élémentaire sur un « continent » généralement méconnu.
(voir : https://www.fondation-lamap.or...)
Serge Tisseron est psychiatre et psychanalyste français. Il est depuis 2015 membre de l'Académie des technologies :
« La première erreur à éviter est de considérer que nos enfants ont les technologies numériques dans le sang et les laisser se débrouiller. Sinon, on arrive à la situation catastrophique actuelle où trop d'enfants découvrent les technologies numériques tout seuls, au prix de douloureuses erreurs. Il ne faut pas non plus considérer les enfants comme des petits êtres à protéger, mais plutôt les prendre comme des partenaires, avec des capacités et des désirs.
Il souhaite enfin mettre en avant les nombreux aspects créatifs et socialisants des nouvelles technologies, pas seulement les dérives : « Il y a des pratiques excessives pathologiques mais pas toutes, loin de là. »
La révolution numérique et la culture
Physicien de formation, mon activité d’enseignant chercheur dans une école d’ingénieurs m‘a progressivement amené à utiliser les TICE (Technologies de l'Information et de la Communication), et aussi à les enseigner. Dans mes cours aux futurs cadres de l’industrie, j’ai introduit suffisamment d’épistémologie des sciences de l’ingénieur pour leur montrer comment le numérique a révolutionné leur métier. Finalement l’écran n’a pour fonction que de transposer des messages électriques en messages visuels ! Mais le numérique a grandement favorisé, dans la société, l’interpénétration de la sphère publique dans la sphère privée et vice-versa. L’écran est devenu un support privilégié de nos rapports à la culture pouvant aller jusqu’à ce que l’ensemble des pratiques culturels y converge ! De la même manière que les parents encadrent l’initiation à la pratique de la musique, de la danse, du théâtre et des arts plastiques (liste non limitative…), pour les conduire progressivement vers une plus grande autonomie quand ils grandissent, l’usage des écrans doit être accompagné comme l’indique Serge Tisseron dans son ouvrage « 3-6-9-12 » :
- Pas d’écran avant 3 ans
- Pas de console de jeu avant 6 ans
- Pas d’Internet avant 9 ans, puis Internet accompagné jusqu’à l’entrée du collège
- Internet seul à partir de 12 ans, mais avec prudence.
Au moment où cet article est écrit, nous sommes dans la période de confinement, et Serge Tisseron a mis sur son web : « Confinement : les écrans autrement »
https://sergetisseron.com/blog/confinement-les-ecrans-autrement-%e2%80%8e/
« une occasion unique de construire quelque chose de nouveau dans l’utilisation que nous faisons des écrans, qui persistera après la pandémie » !